Essai du tocilizumab dans l’artérite à cellules géantes (maladie de Horton).

Titre original : 
Trial of Tocilizumab in Giant-Cell Arteritis
Titre en français : 
Essai du tocilizumab dans l’artérite à cellules géantes (maladie de Horton).
Auteurs : 
Stone JH, Tuckwell K, Dimonaco S, Klearman M, Aringer M, Blockmans D, Brouwer E, Cid MC, Dasgupta B, Rech J, Salvarani C, Schett G, Schulze-Koops H, Spiera R, Unizony SH, Collinson N.
Revue : 
N Engl J Med. 2017 Jul 27 ;377(4) :317-328.

Traductions & commentaires : 
Christophe SEINTURIER



INTRODUCTION

L’artérite à cellules géantes ou maladie de Horton est la plus fréquente des vascularites des gros vaisseaux. Elle touche plus fréquemment la femme autour de 60 ans et se manifeste par une altération de l’état général, des céphalées et un syndrome inflammatoire. Les complications vasculaires les plus sévères sont la cécité par neuropathie optique ischémique antérieure aigue, l’infarctus du myocarde et plus tardivement les anévrysmes de l’aorte thoracique.

Le traitement repose sur une corticothérapie initiée en général à la posologie de 0.7 mg/kg/j (1mg/kg pour les formes compliquées) puis diminuée pendant plusieurs mois, en général 18 à 24 jusque guérison de la maladie.

Le traitement reste cependant difficile avec chez un tiers des patients une corticorésistance ou des rechutes, ainsi que fréquemment des complications liées à un traitement prolongé chez les sujets âgés (ostéoporose, diabète etc.). L’efficacité des traitements immunosuppresseurs (méthotrexate surtout) comme épargneurs de cortisone est mal établie.

Les auteurs reportent un essai clinique d’utilisation du tocilizumab en complément de la corticothérapie. Cette molécule est un anticorps monoclonal humanisé (Ig G1) inhibiteur des récepteurs de l’interleukine 6 et est utilisée en France dans le traitement de la polyarthrite rhumatoïde (PR) (Roactemra © laboratoire Roche) en association avec le méthotrexate.

 

METHODOLOGIE

Les auteurs ont inclus des patients de plus de 50 ans avec une maladie de Horton diagnostiquée dans les 6 semaines avec ou sans preuve histologique. Il leur a été attribué par randomisation un plan de traitement pour un an parmi les quatre suivants :

- corticothérapie en décroissance sur 26 semaines plus tocilizumab 1 fois/semaine à la dose de 162 mg sc /j (idem posologie PR) ;

- corticothérapie en décroissance sur 26 semaines plus tocilizumab 1 fois/2 semaines à la dose de 162 mg sc /j ;

- corticothérapie en décroissance sur 26 semaines plus placebo 1 fois/semaine ;

- corticothérapie en décroissance sur 52 semaines plus placebo 1 fois/semaine ;

Les résultats biologiques n’étaient pas communiqués directement aux praticiens en charge des patients pour ne pas lever l'aveugle (baisse plus rapide de la CRP sous tocilizumab). Ils étaient gérés en aveugle par un praticien dédié à cette tache sans contact avec les patients . Celui ci qui   communiquait ensuite le  résultat d’efficacité aux médecins en charge des patients à charge à eux d'adapter la corticothérapie selon le protocole de l'étude ,

La rechute était définie comme la récidive de symptômes cliniques ou une augmentation de la VS supérieure à 30 et indiquait une augmentation de la posologie de cortisone.

La rémission était définie comme une rémission de symptômes cliniques et une CRP <1 mg/l et la rémission soutenue (RS) était définie par une rémission survenant entre les semaines 12 et 52.

Le critère de jugement principal était la différence d’efficacité à un an (RS) entre chaque groupe avec administration de tocilizumab et le groupe placebo avec décroissance sur 26 semaines.  Les critères secondaires étaient la comparaison entre chaque groupe avec administration de tocilizumab et le groupe placebo avec décroissance sur 52 semaines.

 

RESULTATS

251 patients ont été inclus (100 tocilizumab hebdomadaire, 50 tocilizumab 1 semaine sur deux, 50 corticothérapie plus placebo décroissance sur 26 semaines, 51 corticothérapie plus placebo décroissance sur 52 semaines).

La moyenne d’âge de la population était de 69 ans avec 78% de femmes. 47% étaient des maladies fraichement diagnostiquées, 53% des rechutes. 57% seulement avaient eu un diagnostic histologique.

L’essai s’est révélé positif avec une rémission soutenue obtenue chez 56% des patients avec tocilizumab, 53 % tocilizumab ½ versus 14 % pour la corticothérapie plus placebo en décroissance sur 26 semaines et 18% en décroissance sur 52 semaines (p< 0.001).  La dose de cortisone totale reçue était également moindre dans un rapport d’un sur deux (respectivement 1862, 1862, 3296 et 3818 mg).

Concernant les effets indésirables, il n’a pas été montré de différence entre les groupes (la neutropénie et le risque d’infection sévère étant un des effets indésirables principaux du tocilizumab) avec des infections sévères chez respectivement 7%, 4 %,4 % et 12% des patients (fréquence de neutropénie sévère 4% dans les groupes tocilizumab). Deux événements indésirables vasculaires sévères sont survenus dans le groupe tocilizumab, un AVC ischémique et un épisode de neuropathie optique ischémique antérieure aiguë.

 

DISCUSSION

Il est intéressant tout d’abord de noter que la biopsie d’artère temporale n’était pas exigée chez tous les patients ce qui nous rappelle que devant un contexte clinique et biologique évocateur, l’écho-Doppler des artères temporales peut conduire au diagnostic de maladie de Horton (1)

Le tocilizumab en association avec une corticothérapie avec une décroissance rapide sur 26 semaines s’avère efficace en termes d’obtention d’un taux de rémission soutenu chez plus de la moitié des patients. Il a été constaté peu de différences entre les deux modes d’administration du tocilizumab (hebdomadaire ou bihebdomadaire). Dans le groupe placebo, de meilleurs résultats étaient obtenus avec une décroissance lente de la corticothérapie sur 52 versus 26 semaines, ce qui reflète bien la pratique quotidienne. Les effets indésirables ne sont pas supérieurs avec ce régime thérapeutique comparé à une corticothérapie standard.

Les pratiques françaises (1) vont plutôt vers une décroissance de la corticothérapie seule plus lente (sevrage total entre 18 et 24 mois) et les mauvais résultats du groupe corticothérapie plus placebo pourraient être en partie expliqués par une décroissance trop rapide.

La place de cette thérapeutique dans notre pratique reste à préciser mais cette molécule pourrait trouver sa place chez les patients récidivant lors d’une décroissance de corticothérapie bien menée.

Plusieurs questions restent cependant en suspens. La moitié des patients n’était pas en rémission soutenue à un an : quelle est la durée de traitement nécessaire par tocilizumab chez eux ? existe-t-il des sous-groupes de patients plus à même de répondre à cette thérapeutique ? Des réponses sont attendues de la prolongation de l’étude, en ouvert sur deux ans. Enfin, il convient de rester vigilant sur les formes à expression vasculaire : les patients de cette étude ne sont pas décrits comme ayant des formes compliquées et deux récidives vasculaires sérieuses sont survenues sous tocilizumab.

 

Références

1) Bienvenu B, Ly KH, Lambert M, Agard C, André M, Benhamou Y et al. Management of giant cell arteritis : Recommandations of the fernch study group for large vessel vasculitis (GEFA). Rev Med Intern. 2016, 37 :154-165.

2) Schmidt WA, Kraft HE, Vorpahl K, Völker L, Gromnica-Ihle EJ. Color duplex ultrasonography in the diagnosis of temporal arteritis. N Engl J Med. 1997 Nov 6 ;337(19) :1336-42.