Echo-Doppler avec produit de contraste ultrasonore versus tomodensitometrie dans le suivi des endoprotheses aortiques

Titre original : 
Contrast Enhanced Ultrasound can Replace Computed Tomography Angiography for Surveillance After Endovascular Aortic Aneurysm Repair.
Titre en français : 
Echo-Doppler avec produit de contraste ultrasonore versus tomodensitometrie dans le suivi des endoprotheses aortiques.
Auteurs : 
Bredahl KK, Taudorf M, Lönn L, Vogt KC, Sillesen H, Eiberg JP.
Revue : 
Eur J Vasc Endovasc Surg. 2016 Dec;52(6):729-734.

Traductions & commentaires : 
Antoine DIARD



Le suivi à long terme après réparation vasculaire d’un anévrisme de l’aorte sous rénale est recommandé pour prévenir les complications évolutives, dont les ruptures tardives. Le scanner reste le ‘Gold standard’ du suivi malgré les conséquences des irradiations répétées, l’aggravation de la fonction rénale post-procédure chez un tiers des patients et plusieurs méta-analyses allant toutes dans le même sens et attribuant des performances au moins équivalentes entre l’écho-Doppler avec utilisation de produits de contraste ultrasonores (ED PCUS) et le scanner avec injection (TDM). Dans cette étude les auteurs ont une nouvelle fois comparé les résultats du suivi après implantation d’une endoprothèse aortique (EVAR) en écho-Doppler couleur seul (EDC) ou en ED PCUS, à ceux obtenus avec le TDM dans le dépistage des endofuites qui reste le principal problème après EVAR. Ils se sont intéressés en outre aux conséquences cliniques pour les patients pour lesquels une des techniques serait prise en défaut.

METHODE ET RESULTATS

Du 1er août 2011 au 30 octobre 2014, les auteurs ont recruté dans un même centre 359 patients ayant bénéficié d’une EVAR. La plupart des patients (77%) a été traitée et suivie durant la période d’inclusion sus-définie ; 23 % des patients avaient bénéficié de la mise en place d’une endoprothèse depuis moins d’un an avant la date de début des inclusions et avaient eu un suivi à 3 mois avec EDC et TDM au minimum.
Soixante-neuf patients ont été exclus de l’étude :
- 16 pour décès
- 16 pour insuffisance rénale (4,5 %)
- 25 pour refus de consentement.
- 12 pour suivi hors centre.
Sur les 290 patients restant, cinq ont de plus été récusés pour un suivi échographique jugé impossible en raison d’une obésité ou d’une cure chirurgicale de hernie. Sept autres patients ont aussi été exclus car ils présentaient une rétraction du sac synonyme de guérison (2 % seulement des patients traités). Au total 278 patients ont été inclus. L’âge moyen de ces patients est de 74 ans, et le diamètre moyen de l’anévrisme de 56 mm. La majorité d’entre eux (88%) était asymptomatique lors de l’inclusion. Les anévrismes aortiques représentaient 73% des cas (n=203) ; 42 patients avaient un anévrisme aorto-iliaque et 24 un ou des anévrismes iliaques. Le protocole de suivi à 3 mois ou 12 mois après mise en place de l’endoprothèse comportait l’EDC, le TDM et l’ED PCUS ; 131 des 278 patients ont eu un ED PCUS à trois mois et à 12 mois. Les autres n’ont eu qu’une seule fois un ED PCUS au cours du suivi, soit à 3 mois, soit à 12 mois. Au 31 octobre 2014, l’analyse des résultats a permis d’identifier 37 patients ayant un EDC jugé normal pour lesquels le TDM (et l’EDC PCUS aussi d’ailleurs) retrouvait lui une endofuite (“faux négatifs” de l’EDC) Ces patients ont alors été suivis un an de plus et les conséquences cliniques ont été analysées. La durée du suivi se situant en fonction de la date de recrutement entre 12 et 36 mois.

Étape 1. Les critères retenus à 1 an sont :
- Présence d’une endofuite.
- Augmentation du diamètre du sac supérieur à 5 mm.

Réinterventions : sur 58 endofuites diagnostiquées au TDM, 11 (4 %) ont nécessité une réintervention (type I, type II avec augmentation du diamètre > 5mm). Ces 11 endofuites ont toutes été identifiées en ED PCUS. Trois n’ont pas été identifiées en EDC (deux de type I, une de type II sans augmentation de diamètre) Les 10 endofuites vues au TDM et non identifiées en ED PCUS, de même que les 11 endofuites vues en ED PCUS et non vues en TDM n’ont pas eu de conséquences cliniques. Il existe un nombre équivalent d’erreur pour chacune de ces deux techniques ; la plupart du temps le diagnostic correspondait à une endofuite de type II sans augmentation de calibre sur la durée du suivi moyen (708 jours).

Étape 2. Devenir des 37 endofuites non vues en EDC.

Ce groupe de patients a été suivi un an de plus avec les trois modalités. Parmi les 37 endofuites identifiées, 3 ont dû être corrigées avant le suivi et 2 durant le suivi, devant la survenue d’événements cliniques (rupture, douleur) qu’aucune des trois modalités n’avait dépistée; 4 corrections ont été rendues nécessaires devant l’augmentation du calibre notée sur toutes les modalités.

CONCLUSION

Comme d’autres études antérieures, cette étude confirme que le TDM et l’ED PCUS font jeu égal dans le suivi un an après la mise en place d’une endoprothèse, pour le diagnostic des endofuites et l’orientation pour une réintervention. Le nombre de faux positifs de ces deux méthodes n’a pas porté préjudice aux patients, contrairement au suivi réalisé en EDC dont l’utilisation isolée se révèle donc insuffisamment performante et expose dans cette période à 30% d’erreurs diagnostiques. En revanche, lorsqu’à 12 mois le TDM ou l’ED PCUS retrouve des dimensions stables du sac malgré la présence d’une endofuite, ou l’absence de toute endofuite, un suivi ultérieur basé uniquement sur la mesure du diamètre est possible en EDC. Le TDM pourrait alors être réservé aux cas difficiles lorsque les examens sont non conclusifs ou contradictoires, ou encore lorsqu’il existe des problèmes rédhibitoires d’utilisation des ultrasons. Ce qu’apporte cet article : Il confirme que pour le suivi à un an :

- l’EDC PCUS fait jeu égal avec le scanner

- le TDM réputé actuel « Gold standard » a autant de faux positifs que l’ED PCUS ;

Il souligne qu’utiliser l’EDC est une perte de chance pour les patients dans le suivi lors de la première année, mais qu’en revanche l’EDC est légitime dans le suivi des patients stabilisés à un an, c’est-à-dire n’ayant pas d’endofuite ou une endofuite de type II sans augmentation de diamètre.
Il confirme également que :
- peu de patients (2 %) sont guéris un an après traitement par endoprothèse ;
- le suivi est indispensable sur le long terme et que la simple (mais correcte) mesure des diamètres permet de dépister deux tiers des complications en rapport essentiellement avec une endofuite.
Il rappelle également que la stabilité des dimensions en présence d’endofuite ne doit pas être considérée comme une situation banale, même si la nécessité d’une prise en charge de l’endofuite fait débat : deux événements symptomatiques (dont une rupture) ont été observés dans ce pool de patients, dont le suivi maximal n’a pas dépassé trois ans. De nombreuses séries rapportent des complications de rupture plus tardives. Il confirme également qu’il est regrettable qu’en France, où on dispose pourtant d’un produit de contraste ultrasonore, les Recommandations n’aient toujours pas évolué dans le sens des recommandations européennes (CIRSE 2014), en privilégiant le recours à l’ED PCUS par rapport au TDM chaque fois que cela est possible.