Intérêt du dépistage combiné HTA-AOMI-AAA

Titre original : 
Population screening and intervention for vascular disease in Danish men (VIVA) : a randomised controlled trial.
Titre en français : 
Intérêt du dépistage combiné HTA-AOMI-AAA
Auteurs : 
Lindholt JS, Sogaard R.
Revue : 
Lancet 2017 ;390 :2256-2265.

Traductions & commentaires : 
Philippe LACROIX



L’intérêt des dépistages est l’objet de nombreux débats. Un dépistage fructueux implique une amélioration de l’état de santé de la population ayant été l’objet de la démarche sans que la procédure ne soit néfaste par ailleurs.  Les dépistages des cancers colo-rectaux et mammaires sont l’objet de programmes nationaux.  Les autorités de santé se sont prononcées contre le dépistage systématique du cancer de la prostate. Rares sont les études dans le domaine cardio-vasculaire. Après analyse des données épidémiologiques et du rapport bénéfice-risque des procédures, la haute autorité de santé (HAS) préconise un dépistage ciblé opportuniste unique de l’anévrisme de l’aorte abdominale sous-rénale.

Une importante étude danoise a cherché à préciser l’influence du dépistage combiné de l’hypertension, de l’artériopathie des membres inférieurs (AOMI) et de l’anévrisme de l’aorte abdominale sur la mortalité.  L’étude a été menée à l’échelle d’une région. Au total 50 156 hommes âgés de 65-74 ans ont été inclus. Les sujets étaient identifiés à partir d’un registre puis secondairement randomisés dans deux groupes avec ou sans dépistage.  Les sujets du groupe « dépistage » recevaient une invitation. Le dépistage était conduit par des infirmières qui réalisaient la mesure de l’index de pression systolique (IPS), la recherche d’un anévrisme de l’aorte et la mesure de la cholestérolémie. En cas d’examen anormal un contrôle était effectué lors de la semaine suivante. Le suivi ultérieur était assuré par le médecin généraliste. La réalisation annuelle d’une échographie abdominale était recommandée en cas d’anévrisme non-chirurgical. Les sujets avec un IPS pathologique bénéficiaient aussi d’une surveillance annuelle. Le suivi était de 5 ans. Le critère principal de suivi était la mortalité globale. Les auteurs ont aussi pris en compte la mortalité cardiovasculaire, les hospitalisations en rapport avec une affection cardio-vasculaire, la qualité de vie, les traitements médicaux et chirurgicaux. Ces données étaient obtenues à partir de registres.

RESULTATS

 Les caractéristiques des 2 groupes étaient comparables. Parmi les 25078 sujets du groupe dépistage, 6330 ont refusé de participer. Quatre mille cent vingt cinq sujets présentaient des anomalies à l’état basal, dont 3,6% de cas d’anévrisme (0,3% > 55 mm), 10,9% d’AOMI et 10,5% d’hypertension. Si le diagnostic d’anévrisme a été confirmé dans tous les cas, celui d’AOMI a été réfuté dans 11,1% des cas. La découverte d’une anomalie a entrainé la prescription d’un traitement antithrombotique ou d’une statine pour 37,1% des sujets.

A un an, 72,6% des sujets pathologiques ont été l’objet d’un suivi clinique.  Au terme d’un suivi médian de 4,4 ans, la mortalité était plus faible chez les sujets dépistés (10,2%) que chez les non-dépistés (10,8%) (HR :0,93 – IC95% : 0,88-0,98 – p = 0,01). Les résultats étaient peu modifiés après exclusion des sujets fumeurs ou de ceux qui avait été l’objet de l’introduction d’un traitement hypotenseur ((HR : 0,94 – IC 95% 0,98-1,00) dans les 2 cas). Il n’était pas noté de différence de mortalité induite tant par les anévrismes que par les affections cardio-vasculaires ou les cancers.  

Les hospitalisations variaient suivant les groupes. Les sujets ayant été l’objet d’un dépistage étaient moins fréquemment hospitalisés pour une hypertension (HR : 0,88 – IC 95% : 0,79-0,99), une AOMI (HR0,81 – IC95% : 0,76-0,87), une cardiopathie ischémique (HR : 0,89 IC 95% : 0,85-0,93). Au contraire, le risque d’hospitalisation était augmenté pour les accidents vasculaires cérébraux et ischémiques transitoires (HR : 1,05 - IC 95% : 1,01-1,10) et les bronchopneumopathies chroniques obstructives (HR : 1,13 - IC 95% : 1,09-1,18). En dernier lieu, le dépistage n’était pas associé à une dégradation des échelles de qualité de vie ou d’anxiété.

COMMENTAIRES

Cette importante étude démontre pour la première fois l’intérêt éventuel du dépistage conjoint de l’hypertension, des anévrismes et de l’AOMI. La réalisation de 169 procédures de dépistage permettrait d’éviter un décès lors du suivi. L’intérêt du dépistage de l’hypertension et des anévrismes de l’aorte abdominale sur les critères de mortalité a déjà été démontré (1). Celui de l’AOMI n’a pas encore été prouvé (2). Les auteurs suggèrent que cet effet positif est en rapport avec l’introduction des traitements anti-thrombotiques et antiplaquettaires.

Ces données appellent quelques commentaires. La population de l’étude intègre tous les hommes dont l’âge est compris entre 65 et 74 ans. Bien que cette population soit très large, il aurait été utile de préciser les critères d’exclusion, notamment les antécédents des sujets dans les différents groupes, en particulier en termes d’insuffisance cardiaque, fibrillation atriale, coronaropathie (3,4). Une répartition différente de ces caractéristiques peut être à l’origine d’un biais. Le dépistage est associé à 11% de faux positifs pour l’AOMI. L’impact négatif éventuel des modifications de stratégie tant médicamenteuse qu’interventionnelle dans ce groupe n’a pas été évalué. La population de sujets avec une AOMI regroupe des sujets symptomatiques et asymptomatiques (1229/2052).  Alors que les recommandations (5, 6) plaident en faveur de la prescription de l’aspirine chez les sujets symptomatiques, son intérêt chez les sujets asymptomatiques reste l’objet de débat (7, 8).  Bien que les résultats soient peu différents si l’on exclut les sujets fumeurs ou les hypertendus on ne peut éliminer l’influence de la modification de l’hygiène de vie, de la pratique de l’exercice.  Les résultats présentés se limitent à la population masculine et à un pays dont le système de santé est très développé avec une prise en charge large des soins.

L’identification des sujets avec une AOMI repose sur la mesure de l’IPS. Les auteurs ont choisi comme méthode de calcul la moyenne des pressions en cheville (4). Si cette méthode est associée aux meilleures performances en termes de reproductibilité (9) elle concoure à augmenter la prévalence de l’affection par rapport au choix de la pression la plus élevée en cheville. En dernier lieu la présence d’une AOMI est définie par des valeurs d’IPS <0,9 ou >1,4. La répartition des sujets dans ces deux groupes pathologiques n’est pas détaillée.

 En CONCLUSION, les résultats de cette étude suggèrent l’intérêt d’un dépistage ciblé combiné des trois critères mais la stratégie en aval, en particulier en ce qui concerne l’AOMI asymptomatique, reste à préciser.

 

Références

  1. Ali MU, Fitzpatrick-Lewis D, Miller J, et al. Screening for abdominal aortic aneurysm in asymptomatic adults. J Vasc Surg 2016;64:1855–68.
  2. Alahdab F, Wang AT, Elraiyah TA et al. A systematic review for the screening for peripheral arterial disease in asymptomatic patients. J Vasc Surg. 2015;61(3 Suppl):42S-53S
  3. Grøndal N, Søgaard R, Henneberg EW, Lindholt JS. The Viborg Vascular (VIVA) screening trial of 65-74 year old men in the central region of Denmark: study protocol. Trials. 2010; 27:11:67.
  4. Grøndal N, Søgaard R, Lindholt JS. Baseline prevalence of abdominal aortic aneurysm, peripheral arterial disease and hypertension in men aged 65-74 years from a population screening study (VIVA trial). Br J Surg. 2015;102:902-6
  5. Gerhard-Herman MD, Gornik HL, Barrett C, et al.  2016 AHA/ACC Guideline on the Management of Patients With Lower Extremity Peripheral Artery Disease: Executive Summary . A Report of the American College of Cardiology/American Heart Association Task Force on Clinical Practice Guidelines Circulation. 2017; 135 :e726-e779.
  6. Aboyans V, Ricco JB, Bartelink MEL, et al. 2017 ESC Guidelines on the Diagnosis and Treatment of Peripheral ArterialDiseases, in collaboration with the European Society for Vascular Surgery (ESVS). Eur J Vasc Endovasc Surg. 2017 [Epub ahead of print] 
  7. Fowkes FG, Price JF, Stewart MC, Butcher I, et al. Aspirin for Asymptomatic Atherosclerosis Trialists. Aspirin for prevention of cardiovascular events in a general population screened for a low ankle brachial index: a randomized controlled trial. JAMA 2010; 303: 841-8.
  8. Belch J, MacCuish A, Campbell I, et al. Prevention of Progression of Arterial Disease and Diabetes Study Group; Diabetes Registry Group; Royal College of Physicians Edinburgh. The prevention of progression of arterial disease and diabetes (POPADAD) trial: factorial randomised placebo controlled trial of aspirin and antioxidants in patients with diabetes and asymptomatic peripheral arterial disease. BMJ. 2008 Oct 16;337:a1840
  9. Aboyans V, Criqui MH, Abraham P, Allison MA, Creager MA, Diehm C, et al. Measurement and interpretation of the ankle-brachial index: a scientific statement from the American Heart Association. Circulation. 2012;126:2890-909.